Harcèlement en prison : l’Etat condamné

Un an après avoir obtenu la condamnation de l’Etat pour ne pas avoir pris les mesures suffisantes pour prévenir le suicide d’une détenue, le Cabinet obtient une nouvelle fois la condamnation de l’Administration Pénitentiaire pour ne pas avoir protégé une de ses agents contre les agissements d’un surveillant.

Le cabinet représentait les intérêts d’une femme intervenant à la prison des Hommes de Rennes-Vezin comme assistante de service social, qui avait eu le courage de déposer plainte pour des faits de harcèlements sexuels subis pendant 2 ans dans l’enceinte pénitentiaire de la part d’un surveillant. 

A l’issue d’une enquête interne pourtant éloquente, le chef d’établissement prenait la décision d’un simple rappel à l’ordre, « il convient d’inviter fermement Monsieur X à changer d’attitude envers ses collègues de façon à ce que ces dernières ne puissent plus lui reprocher l’instance et la lourdeur de ses attitudes et expressions libidineuses que ces dernières prennent la forme de frôlements, de contacts, de mots ou encore de regards. »

Ainsi, malgré la gravité des faits, aucune sanction ni a minima aucune mesure de précaution n’était prise par l’administration pénitentiaire.

Le 6 février 2020, le Tribunal Correctionnel de Rennes déclarait Mr X coupable des faits de harcèlement sexuel et, en répression, le condamnait à la peine de deux ans d’emprisonnement délictuel avec sursis.

Par un arrêt du 30 mars 2021, la Chambre des Appels Correctionnels de la Cour d’Appel de Rennes infirmait le jugement déféré et relaxait le prévenu des fins des poursuites considérant « que les évènements dénoncés démontraient qu’une défiance importante s’était installée  envers le mis en en cause dont les comportements et l’attitude suscitaient souvent l’incompréhension et que sans remettre en cause le malaise « largement partagé par une majorité du personnel féminin », il était permis de constater que les comportements décrits interrogeait en ce qu’ils n’avaient pas objectivement de connotation sexuelle mais intervenaient dans un contexte de malaise et de défiance. »

Le Cabinet saisissait alors la Juridiction Administrative, considérant que la Justice Administrative n’était pas liée par le Juge pénal,  que l’administration pénitentiaire avait commis une faute résultant de la carence et la négligence de la direction dans la prise en compte et en charge des plaintes de Mme X et des suites qu’elle y a apportées en maintenant Mr X aux mêmes fonctions, et qu’aucune mesure préventive ou punitive n’a été prise par l’administration pénitentiaire pour mettre un terme aux agissements de Monsieur X.

La requête se fondait notamment sur l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 en vertu duquel « La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu’une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. »

Le 14 octobre 2023, le Tribunal Administratif de Rennes rend sa décision : « Les faits décrits caractérisent un harcèlement, même s’il n’est pas sexuel » et retient la responsabilité de l’Etat considérant qu’il n’a pas pris les mesures adéquates pour assurer la protection de Madame X et le condamne à réparer son entier préjudice.

L’état n’a pas relevé appel de ce jugement.